Nicolaï Greschny, des fresques aux icônes.
Pour le centenaire de la naissance de Nicolaï Greschny, le musée Urbain Cabrol accueille pour deux mois (Août-Septembre 2012), grâce à l'association des amis de Nicolaï Greschny, des oeuvres de cet artiste d'exception.
Les Villefranchois attendaient avec impatience cette exposition car, si Nicolaï Greschny est apprécié pour ses fresques de Notre Dame de Treize-Pierres-grâce, en particulier, au talent de Jean-Marie Salson dont l'érudition, la fougue et la sensibilité impressionnent toujours les auditeurs lors de la visite commentée de la chapelle-ses icônes étaient moins connues.
(Ci-dessous, fresques de Treize-Pierres)
Sur le palier du premier étage du musée, un panneau rappelle les nombreuses péripéties de la vie de cet artiste qui le conduiront de son Estonie natale à l'autre extrémité de l'Europe, dans l'Albigeois, pourchassé par les épisodes des deux guerres, tentant d'échapper à ceux qui le pourchassent. Fuites et arrestations se succèdent en un véritable roman d'aventures. Son talent reconnu attire des protecteurs au cours de ces pérégrinations de Berlin à Vienne, puis Venise, Rome, Louvain ...et enfin la France. Cet aventurier rebelle et insoumis échappera "par miracle" aux Nazis qui recherchaient ce résistant dans le Sud-Aveyron. Cette vie bien remplie se terminera près d'Albi où il a construit et décoré une chapelle où, aujourd'hui, son fils continue la tradition familiale et fait connaître ses oeuvres.
Le 3 août 2012, Micha Greschny, lors de l'inauguration de l'exposition, nous invite à apprécier l'oeuvre de son père "comme une oeuvre de foi et pas seulement sur le plan artistique." A cette fin, le visiteur doit prendre le temps de lire les informations figurant sur divers panneaux, il en ressort que l'icône témoigne de l'au-delà et que le peintre est au service de la théologie.
L'icône et quelques principes la caractérisant.
L'art de l'icône s'enracine en Orient après la crise de l'iconoclasme qui se termine en 843. "Puisque l'Invisible est devenu visible en prenant chair, tu peux exécuter l'image de Celui qu'on a vu" proclame saint-Jean Damascène, à condition de bien distinguer l'icône de l'idole, l'icône n'est qu'une image, ce n'est qu'un objet, ce n'est pas la divinité. L'art religieux d'Occident a évolué avec les époques, en fonction des changements dans la peinture et dans la création artistique, l'art byzantin reste conforme à une tradition dont les formes codifiées sont restées à l'écart des modes. Ainsi dans l'icône,
- tout est lumière, sans ombre, les visages se détachent sur un fond d'or pour le Christ, l'or par sa lumière et sa durabilité signifie la divinité,
- pas de perspective, il ne s'agit pas de maladresse mais d'une recherche pour abolir l'espace et le temps,
- pas de souci de réalisme dans l'évocation de la nature, une représentation réelle aurait amoindri l'universalité du message,
-les architectures sont simplifiées pour être intemporelles,
- peu d'expression dans les visages, sans sourire ou larmes, ils paraissent figés car les vérités sont éternelles,
-les vêtements, par leur éclat, reflètent la lumière intérieure.
Dans cet art sacré, ces codes issus d'une longue tradition, rendent compte de vérités intemporelles. Greschny le résume en une phrase:" Nous dépouillons le regard de ce qui pourrait le limiter à une époque, un lieu."
Muni de ces quelques repères, le visiteur peut apprécier les représentations des personnages des textes bibliques: Christ, Vierge à l'Enfant, saints, anges, tous d'une grande spiritualité aux couleurs lumineuses.
L'épouse de Nicolaï, Marie-Thérèse, créatrice d'émaux cloisonnés exposés en vitrine, a réalisé une belle broderie dont le motif fut dessiné par son mari.
Leur fils Micha s'est spécialisé dans l'orfévrerie religieuse, quelques remarquables pièces témoignent de son grand talent.
Nicolaï était plus connu pour ses fresques que pour ses icônes. Un grand écran laisse défiler quelques-unes de ses 75 fresques réalisées en Midi-Pyrénées, essentiellement dans le Tarn et l'Aveyron. Ce mode de présentation transmet parfaitement la luminosité et la vivacité des couleurs de ces grandes compositions décorant l'ensemble des murs et voûtes des églises et chapelles. Le film montre aussi l'artiste en train de peindre tout en commentant son travail, il insiste sur l'aspect spirituel de sa démarche.
Des villefranchois, témoins de la réalisation des fresques de Treize-Pierres, en 1952, furent frappés par la rapidité et la sûreté dans l'exécution de ses oeuvres. (Env. 2 mois de travail). Cette virtuosité et la perfection dans la maîtrise de la technique peuvent expliquer l'immense production où se manifeste une créativité exhubérante. Dans cet ensemble prestigieux, les fresques de Treize-Pierres figurent parmi les plus remarquables.
L'exposition montre aussi la diversité dans la création artistique: fresques portatives, peintures sur tissu, peintures sur céramiques etc.
Greschny affirme que:"l'icône nous apporte tout ce qui nous manque aujourd'hui:
-la stabilité au lieu du mouvement,
-le sens de l'éternité par rapport à l'éphémère,
-le rappel de l'essentiel face à l'accidentel,
-la présence du sacré quand tout devient profane."
Il semble qu'aujourd'hui encore Nicolaï Greschny ne recueille pas toute la notoriété qu'il mérite. Certaines de ces fresques et icônes sont aujourd'hui menacées et d'autres en péril. Cette magnifique exposition rappelant la grande valeur artistique et spirituelle de ses oeuvres doit contribuer à favoriser leur préservation.